La présidente de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), Jennifer Carr, a été placée en «congé administratif» par les membres du conseil d’administration.
Radio-Canada, Estelle Côté-Sroka
Publié le 24 juin à 19 h 21 HAE

Une femme sort du palais de justice d'Ottawa
 
 

Une juge de la Cour supérieure de l’Ontario s’est penchée sur la requête de la présidente de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), Jennifer Carr, qui tente de retrouver ses pleins pouvoirs après avoir été placée en « congé administratif » par les membres du conseil d’administration.

Depuis le 10 avril dernier, Jennifer Carr n’a plus accès à ses courriels, à ses outils de travail électronique, ni aux bureaux du syndicat. Il lui est également interdit de communiquer avec les employés de l’IPFPC.

Les membres du conseil d’administration avaient alors décidé de la placer en ce qu’ils considèrent un congé administratif avec solde pour protéger l’intégrité des enquêtes en cours au sujet de la présidente, a insisté à plusieurs reprises leur avocat, Me Jamie Macdonald, du cabinet Northon Rose Fulbright.

Pendant l’audience de plusieurs heures au palais de justice d’Ottawa, lundi, Me Macdonald a déclaré que le C.A. a été placé devant un choix difficile.

Ce n’est pas une décision facile à prendre lorsqu’il y a des allégations d’inconduite à l’encontre de la présidente d’une organisation.

Une citation deMe Jamie Macdonald, du cabinet Northon Rose Fulbright

Sous recommandation de la conseillère juridique du syndicat, cette décision a été prise pour protéger les intérêts de toutes les personnes impliquées [incluant Jennifer Carr], a justifié Me Macdonald.

L’avocat a expliqué que Jennifer Carr voulait notamment avoir accès aux procès-verbaux du C.A., mais que cela représentait une menace à l'intégrité et à l’indépendance du processus d’enquête.

Selon l’avocat des répondants, un des plaignants a décrit Jennifer Carr comme une personne faisant de l’intimidation.

Le C.A. était inquiet [et] cherchait à s’assurer que Jennifer Carr n’interfère pas avec l’enquête.

Une citation deMe Jamie Macdonald, du cabinet Northon Rose Fulbright

Me Macdonald a répété qu’il ne s’agissait pas d’une mesure disciplinaire. Il a aussi souligné que la preuve ne permet pas d’indiquer que le C.A. a agi de mauvaise foi dans ce contexte.

L’IPFPC et les membres du conseil d’administration ont refusé de formuler tout commentaire à la suite de l’audience.

Un congé administratif ou une mesure disciplinaire ?

Par ce recours au civil, Jennifer Carr tente de faire annuler ce qu’elle qualifie de suspension.

 

Elle souhaite également que le tribunal force les membres du C.A. à respecter la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif, en permettant notamment aux membres du syndicat de se prononcer en assemblée générale extraordinaire sur son sort.

L’avocat de Jennifer Carr a tenté de démontrer que les membres du C.A. ont agi de mauvaise foi envers sa cliente, notamment lorsqu’ils ont décidé de la placer en congé administratif avec paie.

Puisque Mme Carr ne peut plus exercer son rôle de présidente depuis le 10 avril, Me Chris Trivisonno du cabinet Conway Litigation avance que cette mesure équivaut à une suspension ou à une mesure disciplinaire.

Un bâtiment.

Une juge de la Cour supérieure de l’Ontario s’est penchée sur la requête de la présidente de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), Jennifer Carr, qui tente de retrouver ses pleins pouvoirs après avoir été placée en «congé administratif» par les membres du conseil d’administration. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Olivier Plante

L’avocat de la présidente a également dénoncé le fait que la vice-présidente de l’IPFPC a appelé les policiers le 10 avril.

La raison invoquée pour appeler la police est que Jennifer Carr refusait de quitter l’édifice et qu’elle s’était enfermée dans son bureau.

Une citation deMe Chris Trivisonno du cabinet Conway Litigation

Et pourtant, Jennifer Carr n’avait pas tenté de s’opposer à quitter les bureaux du syndicat, selon le témoignage de la directrice exécutive.

 

Un problème de gouvernance ?

Dans son argumentaire, Me Chris Trivisonno a fait référence à plusieurs occasions à un manque de jugement et à des problèmes de gouvernance  au sein du C.A. qui n’a jamais cherché à obtenir la version des faits de Jennifer Carr avant de la placer en congé administratif Jennifer Carr n’a pas eu la chance de parler au conseil d’administration , a déploré son avocat.

Me Trivisonno a aussi noté que l’IPFPC ne fait pas preuve d’indépendance en demandant au même cabinet d’avocats qui défend les membres du C.A. dans cette cause d’examiner les plaintes visant Mme Carr.

Nous espérons une décision qui permette aux membres de comprendre ce qui s'est passé, afin qu'ils puissent prendre une décision éclairée lors de la prochaine assemblée générale extraordinaire.

Une citation deMe Chris Trivisonno du cabinet Conway Litigation
Me Chris Trivisonno se laisse prendre en photo devant le palais de justice.

Me Chris Trivisonno, l'avocat de Jennifer Carr

Photo : Radio-Canada / Estelle Côté-Sroka

La juge Robyn Ryan Bell prendra sa décision en délibéré. Elle a indiqué qu’elle allait tenter de rendre son verdict avant l’assemblée générale extraordinaire qui est prévue pour le 27 juillet.

L’IPFPC a rendu publique cette convocation vendredi dernier. Les délégués devront décider si Jennifer Carr doit être placée en congé administratif rémunéré, même si ce congé équivaut à une "suspension de fonction" ou à une "révocation de fonction" jusqu’à l'achèvement final des enquêtes sur toutes les allégations d’inconduite, peut-on lire dans la résolution extraordinaire.

Jennifer Carr souhaite briguer un second mandat à la présidence

Dans sa première entrevue accordée depuis sa suspension, Jennifer Carr dit se sentir soulagée d’avoir pu amener ce dossier devant la cour. Ce processus est un gage de transparence, selon elle.

Ce que j'espère vraiment, c'est que l'on mette fin à l'ambiguïté sur les raisons de ma révocation et que l'on donne aux membres la possibilité d'entendre les preuves et de prendre la décision qui s'impose, comme le prévoient nos règlements et nos politiques, explique Mme Carr.

La leader syndicale déplore que l’absence d’information ait contribué à des rumeurs et à de la désinformation.

Une femme pose devant le palais de justice d'Ottawa

La présidente de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), Jennifer Carr.

Photo : Radio-Canada / Estelle Côté-Sroka

Jennifer Carr a d’ailleurs la ferme intention de briguer un second mandat à la présidence de l’IPFPC. Elle mentionne vouloir mener de front plusieurs dossiers, comme le retour au bureau à trois jours par semaine, la sous-traitance et les compressions budgétaires.

Si mes membres ne disposent pas de la vérité, il leur est difficile de prendre une décision. C'est pourquoi il était si important pour nous de dire que le conseil d'administration ne dispose pas d'un pouvoir discrétionnaire unilatéral.

Une citation deJennifer Carr, présidente de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Par ailleurs, une dizaine de membres de l’IPFPC ont assisté à l’audience pour démontrer leur appui à la présidente.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2083193/jennifer-carr-ipfpc-cour-proces-tribunal-syndicat